Accord commercial : APE OU AGOA, lequel offre le plus d’opportunités aux Camerounais ?
Les accords commerciaux peuvent être considérés comme une opportunité lorsque les négociations sont menées de manière équitable et que les pays doivent veiller à ce que chaque partie soit gagnante. Il est donc de la responsabilité des gouvernements des pays qui ratifient ces accords de s’assurer qu’ils disposent des mécanismes permettant à leurs PME de relever les défis auxquels elles seront confrontées, afin qu’elles puissent être compétitives sur les différents marchés qui s’ouvriront à leurs entreprises. A titre d’exemple, deux accords sont en cours d’évaluation.
Adoptée et promulguée en mai 2000 par le Congrès américain et renouvelée le 29 juin 2015 pour une période de 15 ans, l’African Growth and Opportunity Act (AGOA) est une loi américaine sur les opportunités de croissance et de développement en Afrique. Cette loi permet aux pays d’Afrique subsaharienne d’exporter des produits d’origine africaine vers le marché américain en franchise de droits. Comme beaucoup d’autres pays impliqués dans l’Agoa, le Cameroun bénéficie d’un système d’échanges préférentiels sans réciprocité qui lui permet d’exporter une large gamme de produits de base et manufacturés vers les États-Unis. Presque tous les produits sont éligibles, à condition qu’ils respectent les règles d’origine et qu’ils soient importés directement d’un pays bénéficiaire d’Afrique subsaharienne.
En revanche, le sucre, les mangues, les haricots verts, certaines qualités de coton-fibre, certains produits à base de cacao (poudre sucrée, chocolat) ne bénéficient pas d’avantages particuliers. Des exceptions sont également observées sur certains produits que le gouvernement américain considère comme sensibles à l’effet des importations. Par ailleurs, les prix pratiqués sur le marché américain concernant les produits Africains sont des prix justes (au dessus du prix du marché). Toutefois, pour pénétrer le marché africain, ces produits doivent se conformer aux normes américaines dans le but de protéger les consommateurs américains. Malgré cette barrière des normes, il existe tout de même une volonté à travers l’Agoa de booster le développement économique de plusieurs pays de l’Afrique y compris le Cameroun au travers des échanges commerciaux. Cette volonté se manifeste même au niveau politique, où des clauses de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme sont des obligations que devraient respecter tous les pays bénéficiaires.
Par conséquent, cet accord remet en cause les Accords de Partenariat Economique (APE) que le Cameroun a signé avec l’Union Européenne. La recherche avancée du profit par l’Union européenne est la première motivation perceptible à l’égard du marché camerounais. D’un point de vue commercial, cela est légitime, mais dans ce cas, le rapport de force entre les deux parties reste inégal. Dans le cadre des APE, les gouvernements européens négocient avec des institutions gouvernementales de haut niveau l’octroi de marchés pour la vente de produits manufacturés issus de leurs PME et PMI à valeur ajoutée (développement d’une chaîne de valeur et création d’emplois). Au Cameroun, par contre, les matières premières sont vendues au prix du marché international, au détriment des PME et PMI nationales, dont le niveau d’appui gouvernemental reste faible. De plus, la fiscalité, les tracasseries douanières et la corruption n’encouragent pas l’entreprenariat et l’investissement. Bien que le MINEPAT et le MINCOMMERCE aient fait des efforts pour apporter un soutien financier et technique aux PME et PMI, un certain nombre de difficultés subsistent : à ce jour, très peu d’entreprises ont bénéficié du programme de mise à niveau, et son impact sur les entreprises se fait toujours attendre ; de plus, les PME camerounaises ont encore des problèmes de capacité de production et de développement technologique, sans parler de la mise aux normes.
Elles ont donc du mal à se faire une place sur les marchés internationaux, de plus en plus concurrentiels, et bientôt sur le marché intérieur, où la concurrence des entreprises étrangères est forte. Le gouvernement camerounais a donc besoin de signer des accords de libre-échange qui vont dans le sens du développement économique (création d’emplois, création de chaînes de valeur équitables, etc.) Dans cette optique, l’AGOA constitue une opportunité pour le développement de l’économie camerounaise. Des efforts doivent être faits pour permettre aux PME et PMI de bénéficier des avantages du marché américain qui compte plusieurs millions d’habitants. Si les entreprises ont la capacité de produire en qualité et en quantité pour satisfaire ce marché, cela aura l’avantage de créer des emplois qui auront des conséquences positives sur la lutte contre la pauvreté au Cameroun. Cependant, au regard du contexte actuel de la politique économique américaine sous Donald Trump, les craintes sur l’avenir de l’AGOA en Afrique et spécifiquement sur la révision des clauses de cet accord suscitent des interrogations pour un pays comme le Cameroun qui n’a pas vraiment su tirer profit des opportunités offertes par l’AGOA.