Prise en compte du contenu local dans le nouveau code minier 2016 : quels enjeux pour le Cameroun ?
Convergence vers la prise en compte du contenu local.
L’industrie extractive est une tradition plus ou moins ancienne en Afrique. Dans le passé, l’exploitation minière était réalisée dans des conditions rudimentaires et consistait essentiellement en une satisfaction domestique. Après l’indépendance, les gouvernements ont commencé à se pencher sur la question afin de stimuler leur économie et leur développement. Les institutions financières internationales (IFI), qui disposaient des capacités financières et techniques nécessaires, ont apporté leur soutien. C’est alors que plusieurs de ces pays ont élaboré leur tout premier code minier, à l’instar de la République démocratique du Congo (RDC), de la Guinée…
Quelques années plus tard, des mauvaises pratiques et des lacunes telles que la corruption, le mauvais traitement des employés, le recrutement inadéquat, la mauvaise gestion, la dégradation de l’environnement, les lacunes fiscales et financières, etc. ont commencé à être enregistrées. …. Toutes ces irrégularités ont suscité une réflexion en vue d’un changement ; plusieurs générations de codes miniers ont alors vu le jour pour corriger les lacunes susmentionnées.
Le premier code minier camerounais est entré en vigueur le 16 avril 2001, modifiant et complétant la loi fédérale n°64-LF-3 du 06 avril 1964 régissant les substances minérales. Ce code ne mentionne guère l’emploi des ressortissants. Il a fallu attendre la loi de 2010 pour que l’emploi et le renforcement des capacités soient pris en compte. Cependant, avec le passage éclair de sociétés minières telles que C and K Mining et GEOVIC d’une part, et la prépondérance du secteur minier artisanal d’autre part, d’énormes externalités négatives ont été générées.
La prise de conscience collective a été relativement forte et, aujourd’hui, des aspects tels que l’emploi, la professionnalisation, l’approvisionnement local, les questions de sous-traitance, etc. ont pris le pas et sont inscrits dans le Nouveau Code Minier (NCM) de 2016 au titre 7 intitulé ” contenu local “.
Le contenu local, selon la MCN du Cameroun, est défini comme l’ensemble des activités axées sur le développement des capacités locales, l’utilisation des ressources humaines et matérielles locales, le transfert de technologie, la sous-traitance d’entreprises, de services et de produits locaux et la création de valeurs additionnelles mesurables pour l’économie locale. En outre,
L’International Petroleum Industry Environmental and Social Conservation Association (IPIECA) définit le contenu local comme suit : “Les termes “contenu local” décrivent les avantages que l’industrie pétrolière et gazière peut apporter aux régions dans lesquelles elle opère. Les entreprises peuvent apporter des avantages mesurables en – en employant et en formant la population locale ; – en s’approvisionnant en biens et services locaux et en développant les entreprises locales ; – en soutenant le travail de développement communautaire”.
La position du Cameroun sur la question par rapport aux autres États miniers africains
Au vu de ces définitions, le Cameroun a fait un pas décisif et déterminant dans l’amélioration de son cadre juridique, par rapport à certains pays miniers africains comme le Sénégal, le Mali… qui ont une vieille culture minière. Auparavant, seul le code du gaz camerounais de 2012 traitait de la question, et il convient de souligner que le contenu local développé dans le code minier de 2016 n’est qu’une transcription du code du gaz de 2012. Concrètement, après environ cinq (05) ans, il est difficile de voir l’impact sur le secteur gazier.
L’efficacité du contenu local actuellement défini est un véritable début pour le secteur minier, qui constitue une base sur laquelle les gouvernements locaux ou les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) et les organisations de la société civile peuvent évidemment s’appuyer. Cette initiative serait une véritable aubaine pour le Cameroun, sous réserve des textes d’application, si le secteur minier industriel existait réellement : des sociétés minières telles que C and K Mining d’une part, détentrice depuis décembre 2010 du permis d’exploitation du gisement diamantifère Mobilong, situé dans la commune de Yokadouma, région de l’Est du Cameroun, a cédé fin 2014 la majorité de ses actifs dans ce projet minier à un investisseur sino-américain et Geovic Cameroun, filiale de la junior minière américano-canadienne Geovic Mining Corp, a abandonné son projet d’exploitation du gisement de bauxite, cobalt et manganèse de Nkamouna dans l’arrondissement de Lomié, région de l’Est du Cameroun. La question se pose de savoir à qui s’adresse la législation sur le “contenu local”. Dans le même temps, des pays comme le Botswana et le Ghana ont capitalisé sur leur secteur minier artisanal, en faisant un levier incontestable du développement local. Le Nigeria, quant à lui, s’est inspiré des exemples brésilien et norvégien, en mettant en place le Nigeria Content Act en 2010, dans le but de s’approprier le secteur à hauteur de 70 %. Par ailleurs, la Mauritanie, dans le cadre du transfert de technologie de TASIAST, filiale de la société américaine KINROSS, a bénéficié d’une grande école minière, où les ingénieurs sont formés sur place et en phase de conception aux Etats-Unis d’Amérique (USA) avec des fonds de la société sur une période de 10 ans.
Le contenu local : une probable victoire à la Pyrrhus
D’autre part, le secteur minier camerounais est essentiellement artisanal, où les pratiques d’extraction traditionnelles côtoient les pratiques semi-mécanisées, et constituerait même l’activité la plus rentable du secteur. Cependant, la volonté de transformer cette structure productive reste lettre morte. Le nouveau code minier qui encadre le secteur pourrait peut-être apporter un réel changement. Sans risquer de porter des jugements a priori, il convient néanmoins de s’interroger sur la qualité et le contenu du cadre juridique actuel et sur le contexte du secteur minier au Cameroun. En d’autres termes, quel est le lien entre l’exploitation artisanale semi-mécanisée et le contenu local dans un contexte où l’industrie reste encore une chimère ?